Notre pays ne se projette plus dans l’avenir depuis des décennies. Les dernières épopées françaises remontent aux années 60 et 70 où Charles de Gaulle, Georges Pompidou puis Valérie Giscard d’Estaing ont embrassé et même anticipé leur temps avec des projets qui font toujours notre fierté comme le nucléaire civil et militaire, le Concorde, le TGV, Airbus, Ariane, etc.
La France a donc plus que jamais besoin de reprendre du souffle, de l’ambition, de la confiance en elle afin de se remettre en cause et se réinventer. Nous avons cet élan vital en nous. Tant de fois au cours de nos 1500 ans d’histoire, au bord du gouffre, nous avons su rebondir. En 1420, le traité de Troyes entérinait la soumission du royaume de France à celui d’Angleterre en faisant d’Henri V l’héritier légitime de Charles VI. Heureusement pour notre pays, Henri V est mort avant Charles VI…
Mais bien évidemment, il ne faut pas compter que sur la Providence comme planche de salut. Seul un projet puissant porté par des dirigeants déterminés et dévoués peut renverser les situations les plus compromises.
Après la défaite traumatisante de 1870, la IIIe République a accompli une œuvre fondatrice en forgeant à nouveau l’unité nationale. En dépit de débuts difficiles, elle a su s’imposer définitivement et partager l’idéal républicain auprès des masses, loin d’être définitivement acquises, avec des figures comme Léon Gambetta. En dépit de divisions profondes exacerbées par la séparation de l’Eglise et de l’Etat et par l’affaire Dreyfus, elle a parachevé une œuvre multiséculaire, la France étant l’exemple unique au monde où l’Etat a fait la nation et non l’inverse. Notre pays est encore aujourd’hui le plus uni d’Europe tout en concentrant une si riche diversité, de l’Alsace à la Bretagne en passant par le Pays basque, la Corse, la Polynésie ou la Nouvelle-Calédonie. Comment ? Par l’instruction publique et le service militaire obligatoires, l’apprentissage du français et des objectifs fédérateurs. L’École et le service militaire ont renforcé le sentiment d’appartenance via la valorisation d’une longue et riche histoire, le fameux « roman national » cher à Ernest Renan où on devient français davantage par la volonté de partager cette histoire que par un héritage ethnographique, soit « avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore » dans l’avenir. Ce « miracle » français est aussi et surtout l’imposition d’une langue commune, élément fondamental car la langue est indissociable d’un modèle de pensée et indépassable dans une démocratie qui est le régime du débat. N’oublions pas que beaucoup de Français ne maîtrisaient pas la langue de Molière avant l’instauration de l’école obligatoire dans les années 1880. Au-delà de cette unification du pays par ces trois leviers, École, armées, et la langue, la IIIe République a aussi et surtout réussi à unir par la fierté, l’envie, des objectifs fédérateurs en forme de nouvelles frontières bien au-delà de la contrainte. La France au tournant des XIXe et XXe siècles est un phare politique, économique et culturel dans le monde, « mère des armes, des arts et des lois » comme le proclamait déjà le poète du Bellay XVIe siècle. Les trois expositions universelles de 1878, 1889 et 1900 ont consacré ce rayonnement. La colonisation, quoi qu’on en pense aujourd’hui car condamnable dans son principe, fut un objectif national, la volonté de propager dans le monde l’idéal français du moment porté par la République, ses principes et valeurs. La IIIe République a insufflé au pays un esprit de conquête.
1945 et le Conseil national de la Résistance (CNR) furent également des moments de refondation. En dépit des fractures idéologiques béantes d’alors, les gaullistes, socialistes, communistes et radicaux ont réussi à se mettre d’accord sur un puissant projet dit « des jours heureux » qui a tracé la voie à trente années de prospérité pour le pays en conciliant avancées sociales, prospérité économique et ambition nationale. À la création de la Sécurité sociale et au droit de vote des femmes a succédé une grande politique d’indépendance et de puissance nationales en dépit des divisions liées à la décolonisation et à la Guerre froide.