Défendre nos intérêts et notre modèle de société
La politique étrangère française aujourd’hui se caractérise par un manque de cap, une absence de boussole, de cohérence et de vision à long terme.
Ainsi, en dépit des velléités d’indépendance régulièrement proclamées en tant que « puissance d’équilibre », la politique étrangère française se caractérise par un alignement sur la politique anglo-saxonne, et ce, en dépit de plusieurs « coups de Trafalgar » dont celui récent de l’AUKUS, alliance militaire réunissant l’Australie, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, dans l’affaire du contrat rompu de fourniture de sous-marins à l’Australie. Plus généralement, la France fait face à une guerre commerciale sans merci menée par ces pays, tout particulièrement les Etats-Unis, illustrée par d’autres actions peu « diplomatiques » (affaire Alstom, amendes record à la BNP-Paribas et au Crédit Agricole, extraterritorialité du droit américain, etc.).
Cet alignement se voit notamment au Moyen-Orient où la France a perdu la singularité de sa politique arabe encore vigoureuse sous Jacques Chirac avec, par exemple, un bombardement de la Syrie en 2018 aux côtés des Etats-Unis et du Royaume-Uni sans mandat de l’ONU. La France suit également les Etats-Unis dans ses relations avec les monarchies du Golfe, tout particulièrement avec le Qatar qui est pourtant le principal soutien des Frères musulmans, bras islamiste le plus dangereux car le plus insidieux pour l’équilibre interne de notre pays.
En Europe, la politique étrangère de la France se caractérise cette fois par une relative soumission aux instances européennes dominées par l’Allemagne, notamment la Commission, avec derrière une logique d’approfondissement de l’Union dans une approche fédérale, à rebours de l’Europe confédérale, soit l’Europe des nations, prônée par le général de Gaulle afin que cette dernière constitue un levier de puissance pour chacun de ses membres, et tout particulièrement la France, et non un instrument de dissolution de ces derniers. Parallèlement et un peu paradoxalement, l’action diplomatique de notre pays sur le continent se manifeste également par une attitude arrogante, fustigeant des gouvernements démocratiquement élus qui ne seraient pas assez « progressistes » ou alignés sur la politique actuelle menée par l’Union européenne (UE) à la main de la Commission, l’exécutif du Conseil européen étant morcelé entre les 27 pays membres et le Parlement restant cantonné à une rôle de simple chambre d’enregistrement, n’ayant pas d’initiative législative.
Enfin, notre diplomatie se caractérise par une dispersion de l’aide publique au développement (APD), 15,1 Md€ en 2022, et une baisse de sa visibilité, une partie importante de celle-ci (15% en 2021, soit près de 2 Md€) transitant par l’UE. Si plus de 30% des fonds sont dirigés vers l’Afrique, comment expliquer que le Brésil soit en 2021 le premier pays récipiendaire en volume de l’aide française, avec environ 505 M€, ou que nous versions des sommes conséquentes à la Colombie (385 M€), au Mexique (350 M€), à la Turquie, à l’Ouzbékistan, à l’Inde et même la Chine avec 140 M€ en 2020 !
Ces incohérences, notamment caractérisées par un alignement sur la politique américaine et la politique européenne ainsi que par la dispersion de notre aide au développement, entraînent un recul de l’influence française dans le monde, aggravé par une contraction de notre poids économique.
Pour contrecarrer ce déclin, il faut dans un premier temps redéfinir nos priorités.
Il s’agit tout d’abord de défendre nos intérêts vitaux et stratégiques, soit les voies et moyens de garantir notre indépendance, notre prospérité ainsi que notre sécurité. Sur le plan diplomatique, il s’agit donc :
- d’utiliser tous les leviers à notre disposition (membre pivot de l’UE, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, arme nucléaire, forces armées, industrie de défense, francophonie, domaine maritime, etc.) pour pouvoir tenir une position internationale indépendante, uniquement guidée de façon pragmatique par les intérêts de la France et des Français ;
- de n’accepter le multilatéralisme économique et le libre-échange dans le cadre des négociations menées en bilatéral ou sous l’égide de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) que sur la base de règles équitables et réciproques dûment contrôlées ;
- de renouer avec l’ensemble de nos partenaires en Europe, sans arrogance ni suivisme, en recherchant de façon pragmatique les synergies possibles, soit une Europe des projets ;
- de relocaliser la production de biens et services essentiels et de sécuriser nos approvisionnements énergétiques ;
- de combattre fermement l’immigration illégale et l’islamisme par une politique globale qui implique un « combat de l’avant » diplomatique avec les pays à l’origine de ces menaces.
Ensuite, cela signifie :
- concentrer nos efforts sur quelques acteurs, sujets et zones clés, soit l’Union européenne, les Etats-Unis, la Russie, la Chine, le sud de la Méditerranée, l’espace Indo-Pacifique, le continent africain, l’immigration, la francophonie et notre domaine maritime ;
- conditionner notre aide au respect des règles minimales d’un état de droit démocratique, soit des garanties concernant la lutte contre la corruption ;
- ne recourir qu’exceptionnellement, comme dans le cas du conflit en Ukraine, aux sanctions économiques, généralement inefficaces et contre-productives vis-à-vis des populations qui se soudent souvent derrière leurs dirigeants dans leur rejet de l’Occident ;
- utiliser nos forces militaires, notre « hard power » agile et efficace, uniquement quand nos intérêts essentiels sont menacés (protection de ressortissants par exemple) et en évitant au maximum un engagement isolé ;
- être proactif dans la régulation de l’intelligence artificielle (IA), le numérique et le Big Data, enjeux essentiels pour la souveraineté du pays au cours des années à venir.
En synthèse, la doctrine de la diplomatie française que nous appelons de nos vœux consiste en :
- coopérer partout où c’est utile et défendre notre indépendance partout où c’est nécessaire ;
- promouvoir de façon active les valeurs occidentales, le libre-échange sur des bases équitables et réciproques ainsi que la sécurité collective en veillant scrupuleusement au respect du droit international, aussi de la part de nos alliés ;
- tenir en respect, avec l’aide d’un maximum de partenaires européens, les nouveaux Etats-puissance tels que la Chine, la Turquie, la Russie ou l’Iran ainsi que parfois les Etats-Unis ;
- combattre fermement tout totalitarisme, dont l’islamique.
Ces orientations et principes se déclinent en propositions concrètes sur les dossiers clés suivants.
Refonder notre action en Europe à travers une Union européenne (UE) alliance de nations souveraines
Proposition n°1
Débureaucratiser l’UE et revenir à une Europe des projets en contrôlant l’action de la Commission qui ne doit jamais sortir des prérogatives qui lui sont assignées par les traités (soit un « Bruxit »). Pour cela, retirer son monopole de l’initiative législative pour la confier uniquement et exclusivement au Conseil européen, au Conseil de l’UE et au Parlement, instances légitimes démocratiquement. La Commission serait transformée en Secrétariat général permanent des conseils précités (cf. volet Politique européenne).
Proposition n°2
Consolider les principaux acquis de l’UE, à savoir le marché unique et l’euro.
Proposition n°3
Normaliser nos relations avec le Royaume-Uni à la suite du Brexit, Londres restant un partenaire incontournable, notamment en matière de défense et de sécurité.
Proposition n°4
Rétablir des relations apaisées avec la Russie une fois le conflit ukrainien réglé ou au moins interrompu, à la condition que Moscou respecte ses engagements internationaux.
Conditionner l’alliance américaine et notre appartenance à l’OTAN au respect par Washington des intérêts français et européens
Proposition n°5
Être ferme vis-à-vis de toute tentative d’ingérence ou d’influence des Etats-Unis au détriment des intérêts français afin d’établir une relation équilibrée pour agir efficacement de concert sur des sujets communs (commerce international, menaces terroristes, Chine, actions belliqueuses d’Etats-puissance, etc.).
Proposition n°6
Agir au sein de l’OTAN afin de rééquilibrer cette alliance au bénéfice des intérêts français et européens.
Conditionner l’aide à l’Afrique à des efforts politiques et économiques
Proposition n°7
Appuyer les pays d’Afrique noire dans leur développement au cas par cas, en fonction de la qualité de leur gouvernance (lutte contre la corruption) et de leur coopération sur des sujets d’intérêt commun (terrorisme, immigration illégale, protection de l’environnement, etc.).
Proposition n°8
Maintenir notre aide et des relations privilégiées avec les pays du Maghreb à la condition non négociable d’une action résolue de ces pays contre l’immigration illégale et le terrorisme.
Contenir les velléités hégémoniques en Asie
Proposition n°9
S’appuyer sur nos partenaires européens et de la zone Indo-Pacifique pour contrôler l’expansionnisme chinois, tant sur le plan économique que politique, ce qui signifie le maintien de relations proches avec New-Delhi.
Proposition n°10
Surveiller de près l’action de la Turquie aux accents ottomans.
Proche et Moyen-Orient : contrôler les ambitions wahhabites, chiites et fréristes tout en travaillant à une solution de paix en Palestine
Proposition n°11
Mettre les pays du Golfe Persique devant leurs responsabilités, surtout l’Arabie saoudite et le Qatar qui soutiennent des idéologies hostiles à l’Occident (Wahhabisme et Frérisme).
Proposition n°12
Continuer à travailler à une solution de paix en Palestine, ce qui signifie peut-être à court terme, le temps d’apaiser la situation, mettre les territoires palestiniens sous tutelle de pays arabes en paix avec Israël (Egypte, Jordanie et pays ayant signé les accords d’Abraham).
Proposition n°13
Appuyer le processus de paix enclenché en Syrie sous l’égide de l’ONU, notamment le Comité constitutionnel qui doit réunir autour d’une même table toutes les forces politiques du pays, opposition comprise, ainsi que des représentants de la société civile.
Proposition n°14
Surveiller le régime iranien et aider les oppositions libérales, Téhéran étant un facteur majeur de déstabilisation de toute la région.
Vaincre le totalitarisme islamique
Proposition n°15
Se battre quotidiennement contre l’idéologie islamiste dans le monde, ce qui inclut un travail de sécularisation de l’Islam en France comme notre pays l’a fait avec les autres grandes religions monothéistes : « tout reconnaître aux musulmans français comme citoyen et tout leur interdire comme communauté », notre démocratie étant fondée sur le primat d’une seule communauté dans l’espace public, la communauté nationale.
Faire du domaine maritime français un puissant levier géopolitique et écologique
Proposition n°16
Faire respecter notre souveraineté sur notre domaine maritime, le 2e au monde, afin d’y garantir une exploitation économique raisonnée et y préserver l’environnement (lutte contre les déchets plastiques et autres pollutions notamment).
Eriger la francophonie comme un vecteur clé de notre influence politique et économique
Proposition n°17
S’appuyer davantage sur la francophonie, l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), mais aussi d’autres acteurs ou initiatives comme la Rencontre des entrepreneurs francophones (REF), pour développer l’influence internationale de la France.