La France doit retrouver sa vocation maritime
Alors que la mer représente plus de 80% du commerce mondial en volume, qu’elle recèle des ressources encore inexploitées, qu’elle conditionne de plus en plus les relations internationales entre les puissances et qu’elle renferme une biodiversité très riche à préserver, la France continue à négliger l’or bleu qu’elle a entre ses mains.
En effet, avec une zone économique exclusive (ZEE) de 11 millions de km2, la deuxième au monde et même la première si on prend en compte l’extension de son plateau continental en 2020, la France dispose de ressources halieutiques, minières et énergétiques de tout premier plan, surtout dans le cadre d’une mondialisation de plus en plus demandeuses de « terres rares », soit des métaux massivement utilisés dans la fabrication de produits électroniques. Non seulement elle néglige ce potentiel, mais elle se le fait piller faute de moyens suffisants en patrouilleurs hauturiers au sein de la Marine nationale (cf. le projet Défense).
Notre économie maritime, qui représente aujourd’hui 360 000 emplois et près de 100 Md€ en valeur de production, pourrait générer jusqu’à 1 million d’emplois d’ici 2030 selon le Cluster maritime français. Aux secteurs traditionnels comme la pêche, l’industrie navale, les transports, les câbles sous-marins, les hydrocarbures s’ajoutent aujourd’hui les énergies marines renouvelables, les biotechnologies, l’aquaculture et les ressources minérales. Nos ports sont aujourd’hui l’incarnation de cette vocation contrariée depuis Richelieu. Alors que la France dispose de trois façades maritimes en Europe, qu’elle constitue un carrefour du continent, 40% des conteneurs à destination ou en provenance de la France transitent aujourd’hui par des ports étrangers, essentiellement de Belgique et des Pays-Bas. Aucun des ports français ne figure dans le top 10 européen, Le Havre se situant à la 12e place et Marseille à la 20e en 2020 selon un rapport sénatorial intitulé « “Réarmer” nos ports dans la compétition internationale ».
Retrouver notre vocation maritime
Proposition n°1
Mettre en place un vaste ministère de la Mer et des Outre-mer fusionnant plusieurs structures actuellement dispersées (Secrétariat général de la mer, Délégation générale à la mer et au littoral, Affaires maritimes, Direction inter-régionale de la mer, etc.) afin d’ancrer notre stratégie maritime dans la durée et d’en assurer la cohérence avec des moyens à la hauteur.
Proposition n°2
Faire de la modernisation de nos grands ports une priorité nationale.
Proposition n°3
A l’image des lois de programmation militaire (LPM), instaurer une loi de programmation maritime pluriannuelle prescriptive débattue et votée par le Parlement.
Développer les compétences nécessaires à la valorisation économique de notre « or bleu »
Proposition n°4
Porter à un million, contre 360 000 aujourd’hui, le nombre d’emplois maritimes directs en France en quinze ans.
Proposition n°5
Créer a minima un CFA dédié aux métiers de la Mer dans chaque département littoral (métropole et Outre-mer) sous couvert des branches professionnelles concernées.
Faire de la Mer un des leviers du sursaut économique du pays et de sa transition écologique vers une croissance durable
Proposition n°6
Développer l’effort de recherche marine et maritime (biotechnologies, énergies marines, valorisation sanitaire, économique et écologique des algues, etc.) afin de faire de la France un pays leader dans ce domaine via un centre dédié d’envergure mondiale.
Proposition n°7
Encourager les synergies public-privé, notamment par un soutien accru aux pôles de compétitivité Mer Bretagne et Mer Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Mieux protéger les 11 millions de km2 de notre domaine maritime
Proposition n°8
Dimensionner les moyens de surveillance maritime de notre Marine nationale afin de garantir un contrôle efficace de notre ZEE (cf. le projet Défense nationale).
Proposition n°9
Avertir la communauté internationale que la France ne tolérera plus la violation de son espace maritime ni de sa souveraineté sur ses territoires ultra-marins, habités ou non.
Redynamiser le réseau portuaire français et faire entrer au moins deux grands ports maritimes (GPM) dans le top 10 européen en 2040
Proposition n°10
Définir pour nos ports des objectifs ambitieux afin de gagner des parts de marché dans nos exportations et importations, du tonnage, du chiffre d’affaires en vue de baisser le poids relatif des autres ports européens (Anvers, Rotterdam et Amsterdam notamment) dans notre commerce extérieur. Cela suppose une meilleure compétitivité par la prise d’une série de mesures comme la fluidification et la diversification (rail, route, fleuve) des chaînes logistiques, un guichet portuaire unique, la simplification et la numérisation des procédures portuaires et douanières, etc.
Proposition n°11
Rééquilibrer le fret en diminuant la part du routier au profit du fluvial, du ferroviaire et du maritime (cabotage entre les ports français et européens) afin d’avoir une desserte souple et multimodale de nos ports (« hinterland »).
Proposition n°12
Moderniser le réseau fluvial afin qu’il puisse supporter une croissance du trafic, ce qui suppose la réalisation rapide de grands projets d’interconnexion (projets Seine-Escaut, canal Seine-Nord Europe, mise au gabarit européen de l’Oise, remise en navigation du canal de Condé-Pommeroeul, travaux de modernisation du canal du Rhône à Sète, etc.).
Proposition n°13
Améliorer la gestion domaniale des grands ports français qui disposent souvent d’une importante réserve foncière. Cela suppose, entre autres, un inventaire précis des surfaces valorisables, une communication sur l’offre immobilière et foncière, une politique tarifaire attractive, etc.
Proposition n°14
Dimensionner les principaux ports outre-mer à une plus grande valorisation de notre ZEE et à un renforcement de sa protection militaire.
Proposition n°15
Redynamiser Saint-Pierre-et-Miquelon en en faisant un hub logistique régional en coopération avec le Canada et en encourageant l’installation de datacenters dans un double souci d’aménagement du territoire et d’écologie (cf. volet Numérique supra).
Donner un débouché à la mer à Paris par un grand port d’envergure mondiale
Proposition n°16
Définir l’axe Le Havre-Rouen-Paris (HAROPA) comme un investissement national prioritaire afin d’en faire un des tout premiers ports d’Europe en dix ans.
Ancrer la Mer dans un nouveau récit national
Proposition n°17
Insister dans les programmes scolaires sur la dimension maritime de la France, et donc sur sa dimension planétaire, sa superficie globale (terre et mer) la plaçant au 6e rang mondial devant la Chine.
Proposition n°18
Instaurer une Journée de la France maritime et d’Outre-mer sur le modèle de la journée de l’Europe ou de la fête de la Musique, ce qui serait l’occasion d’affirmer chaque année la nouvelle ambition maritime du pays.
Faire de la Mer un levier de rayonnement diplomatique pour la France
Proposition n°19
Créer des synergies entre la Francophonie et la politique maritime de la France, notamment en favorisant les relations entre les Outre-mer et leurs voisins, tout particulièrement s’ils sont membres de l’OIF.
Proposition n°20
Notre pays abritant 10% de la biodiversité mondiale, faire de la France le pays leader de sa protection par des actions concrètes comme la dépollution des océans en commençant par le « continent » de plastiques dans le Pacifique Nord.