Améliorer la qualité des soins sans gabegie
La dépense courante de santé en France au sens international (DCSi) s’élevait à 313,6 Md€ pour l’année 2022, soit 11,9% du PIB, ce qui place notre pays en tête de l’Union européenne (UE) aux côtés de l’Allemagne et 3e au niveau mondial.
Pourtant, en matière de résultats, notre pays régresse régulièrement. Ainsi, le classement du laboratoire d’idées britannique The Legatum, qui a créé le Legatum Prosperity Index, classe en 2023 la France en matière de santé à la 20e place mondiale (sur 167 pays évalués), loin derrière des pays proches comme les Pays-bas (11e), la Suisse (10e) ou l’Allemagne (13e). Au niveau continental et toujours pour l’année 2023, le Euro Health Consumer Index, établi par l’organisation Health Consumer Powerhouse, place Paris au 11e rang sur 35, la Suisse, les Pays-Bas et la Norvège formant le trio de tête.
Chaque jour, et la crise de la Covid-19 fut un révélateur, nos concitoyens constatent et expérimentent ce déclin avec des difficultés à trouver un médecin libéral ou à accéder à des services d’urgences de plus en plus saturés. Comment est-ce possible qu’avec un tel niveau de ressources notre système de soins, réputé il y a encore une vingtaine d’années comme le meilleur au monde, soit dans une telle situation, pour ne pas dire en détresse dans des territoires de plus en plus nombreux ?
Selon nous, cette situation est le fruit d’une évolution entamée dans les années 1990. Les ordonnances dites Juppé ont étatisé la gestion de la Sécurité sociale au détriment des partenaires sociaux, dont sa branche maladie, avec une loi annuelle de financement. Cela place notre système de soins à la merci des alternances politiques et des mesures souvent démagogiques occasionnant un surcroît de dépenses dans une logique de consommation et de confort au détriment souvent des soins essentiels. Ainsi, on bénéficie aujourd’hui gratuitement de préservatifs quand on a moins de 26 ans, de protections hygiéniques quand on est étudiante, d’un remboursement à hauteur de 65% de frais « d’hydrothérapie » hors complémentaire, etc. En revanche, le reste à charge est souvent encore très élevé en matière d’orthodontie par exemple (implants dentaires en particulier), ce qui entraîne un manque de soins bucco-dentaires avec de lourdes conséquences à moyen terme pour la santé générale des personnes concernées.
De façon plus globale, notre système est caractérisé par un déséquilibre entre deux catégories d’acteurs. Il y a tout d’abord le monopole de l’assurance maladie sur les décisions, ce qui bride toute réforme ou innovation d’ampleur. Cela fait des années qu’on attend toujours une véritable sécurisation de la carte vitale, carte bleue publique sans code secret ou authentification robuste, et un dossier médical véritablement partagé, c’est-à-dire rempli par tous les professionnels de santé. Ce défaut de partage d’information entraîne ainsi 30% des prestations superflues en France contre 15% à 20% en moyenne au sein des pays de l’OCDE, soit un surcroît de dépenses inutiles d’environ 30 Md€ par an ! Et c’est même potentiellement dangereux pour les patients en cas d’allergies ou incompatibilités diverses au regard de certains médicaments, tout particulièrement quand la personne arrive inconsciente aux services d’urgence. Quant à la télémédecine, il a fallu attendre une crise sanitaire d’ampleur mondiale et inédite pour qu’elle commence enfin à se mettre en place dans notre pays !
Face à ce monopole de l’assurance maladie sur les décisions, source d’inefficience et d’absence d’innovations, les complémentaires santé ne peuvent pas faire jouer la concurrence et sont condamnées à répercuter la mauvaise gestion du système de soins sur leurs cotisations qui augmentent en moyenne de 4% à 5% par an.
Cerise sur le gâteau, ce système dual entraîne des doubles frais de gestion pour la prise en charge d’une même prestation avec un remboursement, parfois symbolique, de l’assurance maladie avant un transfert du dossier à la complémentaire santé.
Il devient donc urgent de refonder ce système en donnant le choix aux Français de choisir leur assureur et en libérant l’initiative, l’innovation, tout en encadrant les acteurs afin de mieux soigner les Français au regard des pathologies les plus graves.
Mais avant même de mener des réformes de structures qui nécessitent une préparation minutieuse et une large concertation, des mesures à fort impact en termes de gestion et de qualité des soins peuvent déjà être prises dans le cadre de l’organisation actuelle de la santé en France.
les premières mesures à prendre dans le cadre du système actuel
Proposition n°1
Sécuriser la carte Vitale par des données biométriques.
Proposition n°2
Amener les professionnels de santé de Ville et de l’Hôpital à remplir le dossier médical partagé “Mon espace santé” sous peine de déconventionnement avec l’assurance maladie, le non partage d’informations générant 10% d’actes inutiles de plus en France qu’en moyenne au sein des pays de l’OCDE (30Md€) tout en étant dangereux pour un patient, tout particulièrement lorsqu’il se retrouve inconscient aux services d’urgence.
Proposition n°3
Encadrer l’installation des médecins libéraux lors des six premières années d’exercice afin d’éviter les zones surdotées et rétablir l’obligation de garde, contreparties obligatoires au conventionnement avec l’assurance maladie. Parallèlement, fortement augmenter le prix de la consultation qui est en moyenne de 40€ environ en Europe en sachant qu’un passage aux urgences coûte en France, toujours en moyenne, entre 200€ et 250€ à la collectivité.
Proposition n°4
Augmenter la part des soignants dans les effectifs des hôpitaux en France, l’Allemagne ayant par exemple 30% de soignants en plus et 30% d’administratifs en moins dans ses établissements de soins.
mettre en oeuvre une réforme structurelle du système de soins pour améliorer sa qualité a moyen-long terme en rendant les citoyens acteurs
Proposition n°5
Laisser la possibilité aux citoyens de choisir leur assureur santé public ou privé (ex-complémentaires mutualistes, paritaires ou sociétés anonymes) « au premier euro », responsable de l’ensemble de la prise en charge, ce qui diminuerait les frais de gestion et susciterait l’innovation.
Proposition n°6
Si le citoyen choisit une assurance publique (une des caisses primaires d’assurance maladie existantes par exemple), les cotisations seront toujours prélevées sur son salaire. S’il choisit une autre assurance agréée, l’ensemble de ses cotisations sera versé sur son salaire net, charge à l’individu de prouver à l’administration qu’il a souscrit a minima un contrat socle chez un assureur, aucun citoyen ne devant se retrouver sans couverture maladie.
Proposition n°7
Définir un contrat socle qui garantit un remboursement à 100% du traitement des pathologies qui engagent le pronostic des patients à court, moyen et long terme tout en améliorant la qualité des soins par une tarification conforme aux coûts réels contrairement à la tarification à l’activité en vigueur (T2A). Les prestations de convenance, de confort, aujourd’hui abusivement financées par la solidarité nationale (transports médicaux non urgents, cures thermales hors hospitalisation, affection de longue durée, accident du travail ou maladie professionnelle, etc.), seront laissées au choix des Français au-delà du contrat socle comme des options (à l’image de l’homéopathie qui n’est plus du tout prise en charge par l’assurance maladie depuis 2021). Afin d’éviter tout « tourisme médical » ou abus, les personnes hors UE devront présenter une assurance valable sur le sol français avant toute entrée sur le territoire..
Proposition n°8
Elaborer une Charte de l’assurance-maladie française pour encadrer les acteurs publics et privés avec des règles prudentielles robustes (ratios économiques et financiers minimums, présence d’un réassureur, etc.) placées sous la supervision de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) qui a fait ses preuves.
Proposition n°9
Les Français en grande difficulté se verront attribuer un chèque santé dont le montant correspondra à la moyenne des prix des contrats souscrits en France. Ils pourront ainsi choisir librement un assureur. Il sera donc mis fin à la Protection universelle maladie (PUMA) et à la Complémentaire santé solidaire (CSS), souvent mal vécues par les patients et parfois mal accueillies par une partie des médecins libéraux, ce qui participe à l’encombrement des services d’urgence.
Proposition n°10
L’Etat garantit la gestion et la confidentialité des données de santé par l’intermédiaire de la Charte de l’assurance maladie française qui n’autorise par défaut leur consultation que par des professionnels de santé et leur cession uniquement avec le consentement explicite de l’assuré.
Proposition n°11
La politique de contrôle est réalisée par chaque assureur qui est de facto responsabilisé comme payeur final.
Proposition n°12
La mise en œuvre et l’alimentation obligatoire par les professionnels de santé du dossier médical personnel de chaque assuré sera prescrit à chaque assureur par la Charte de l’assurance maladie qui définira également ses règles de portabilité en cas de changement de prestataire.
Proposition n°13
Les relations contractuelles entre les professionnels de santé, en ville comme à l’hôpital, et chaque assureur devront se conformer aux prescriptions du contrat socle et de la Charte de l’assurance maladie sous le contrôle de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS). Par ailleurs, chaque hôpital public bénéficiera d’une plus large autonomie en étant régi par le statut d’établissement public à caractère industriel ou commercial (EPIC).
Proposition n°14
Une politique de débureaucratisation de la santé publique sera lancé avec un audit d’opportunité mené auprès de la vingtaine d’agences nationales rattachées au ministère de la santé. Santé publique France, agence généraliste ne répondant pas aux critères (de spécialité, d’efficience, d’expertise, des partenariats et de gouvernance) justifiant la création d’un opérateur public, sera supprimée et ses services intégrés au sein du ministère avec deux objectifs principaux : la surveillance et la prévention en matière épidémiologique ainsi que la préparation à des urgences sanitaires d’ampleur nationale. Quant aux agences régionales de santé (ARS), elles seront aussi supprimées. Le pilotage de l’offre de soins entre la ville et l’hôpital se fera par l’intermédiaire de la contractualisation entre les assureurs et les professionnels de santé sous la supervision des exécutifs régionaux et des préfets.
Proposition n°15
L’aide médicale d’Etat (AME) sera supprimée. Les soins urgents/vitaux seront dispensés dans des centres agréés.
Améliorer la protection sanitaire des populations
Proposition n°16
Faire des Régions les chefs de file de la protection sanitaire des populations (épidémie, catastrophe naturelle, etc.) en liaison avec les services déconcentrés de l’Etat en appui.
Proposition n°17
Confier la gestion de la totalité des données de santé à l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) qui aura intégré en son sein la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) actuelle, et ce, au détriment de l’assurance maladie dont l’action en la matière est un frein à l’innovation, à la transparence et à la prévention. La difficulté à faire remonter des statistiques, notamment des EPHAD, pendant la crise sanitaire de la Covid-19 a démontré les failles en la matière.