Logement

Libérer le foncier pour loger tous les Français

Selon le rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre publié en janvier 2022, 4,1 millions de personnes sont considérées comme mal logées en France. Parmi elles, plus de 1 million ne disposent pas d’un vrai logement personnel. Elles sont sans domicile fixe (SDF), vivent dans des habitations de fortune, sont hébergées chez des tiers ou sont en chambres d’hôtel. A cela s’ajoutent plus de 2 millions de citoyens qui habitent des logements sans confort (pas d’eau courante, toilettes communes sur le palier, moyen de chauffage très dégradé, etc.). Le rapport souligne par ailleurs le doublement des personnes SDF depuis 2012 (300 000), l’engorgement des hébergements d’urgence et le manque de logements sociaux, la demande ayant progressé deux fois plus vite que l’offre.

Le rapport de la Commission pour la relance durable de la construction de logements présidée par François Rebsamen, publié à l’automne 2021, s’alarme ainsi de la chute de la construction. La France est passée de 437 000 mises en chantier en 2017 à 350 000 en 2020.

Par ailleurs, on estime que 12 millions de personnes vivent en précarité énergétique dans 5 millions de logements dits « passoires thermiques ».

Parallèlement, le taux d’effort des ménages pour se loger ne cesse de grimper, le prix des logements étant une cause majeure de l’appauvrissement de la population. Ce taux est ainsi passé en moyenne de 11% des dépenses de la consommation finale des ménages en 1959 à 28% en 2021. Cette augmentation pèse par ailleurs davantage sur les foyers modestes, les 25% les plus précaires (majoritairement locataires) consacrant 32% de leurs revenus à leurs dépenses en logement.

Si l’augmentation du prix des loyers et des biens immobiliers a moins progressé en France qu’en Europe au cours des dix dernières années, les comparaisons montrent que se loger coûte encore 2,6% de plus en part du revenu en France par rapport à la moyenne de l’Union européenne (27,6% versus 25% en 2021). Cela représente un surcoût de 1 100€ par an et par ménage, en sachant que la situation est hétérogène entre les aires urbaines tendues, là où se trouvent généralement l’activité économique et l’emploi, et les zones rurales qui se dépeuplent.

Cette situation est d’autant plus paradoxale que la part des dépenses publiques pour le logement en France est bien supérieure à la moyenne de l’Union. Le logement a ainsi mobilisé 37,6 Md€ d’argent public en 2020, soit 1,6 % du PIB selon un rapport de la Cour des comptes publié fin 2021.

Cette situation est la conséquence d’un déséquilibre majeur entre l’offre et la demande de logements, ce qui génère une forte augmentation des prix qui impacte directement le pouvoir d’achat des Français. Depuis plus de 30 ans, la politique du logement a créé un trop grand nombre de freins à l’offre et généré des mesures d’aides à la demande aujourd’hui mal ciblées et donc peu efficientes.

Et cette restriction de l’offre est surtout synonyme de limitation du foncier, l’obtention d’un permis de construire étant un préalable à toute création de logement. En effet, si le prix des maisons neuves comme anciennes a fortement augmenté en vingt ans, celui du foncier a littéralement explosé. Selon une étude des notaires, la hausse du coût du logement entre 2000 et 2018, de l’ordre de 115%, est surtout le fait du prix des terrains, en hausse de 200%, le coût de la construction n’ayant crû que de 50%.

Et cette politique malthusienne en matière de foncier ne devrait pas s’arranger prochainement. En effet, la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « Climat et Résilience », pose le principe d’un « zéro artificialisation nette » (ZAN).

Pourtant, selon l’enquête officielle Teruti, seulement 8% du territoire national est artificialisé, en faible hausse sur la longue période (+1,5% depuis 1982). A contrario, la forêt française croît, sa surface a doublé depuis 1850, pour représenter aujourd’hui plus de 30% du territoire national. Si on y ajoute les espaces naturels, humides ou en eau, ce taux passe à près de 40%. Quant aux terres agricoles, elles représentent toujours plus de 50% de nos terres.

Par conséquent, pour des raisons irrationnelles, idéologiques (on est loin du bétonnage de la France !), la politique du logement suivie paupérise les Français.

A cela s’ajoute une surprotection des locataires et l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), l’ensemble n’incitant pas à mettre ses biens sur le marché en dehors des locations saisonnières ou à investir dans l’immobilier.

Par conséquent, il devient urgent de fluidifier ce marché pour :

  • permettre à chaque foyer de décider où et comment il veut habiter ;
  • éviter aux plus fragiles la ghettoïsation via les logements sociaux ;
  • rendre le logement accessible à tous en augmentant très fortement l’offre grâce à du foncier constructible ;
  • revenir aux bases de l’urbanisme, soit des décisions locales ;
  • diminuer les inégalités en facilitant l’accès à la propriété ;
  • revenir à la philosophie des droits de l’Homme, soit la propriété comme droit inviolable et sacré sauf nécessité publique légalement constatée et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ;
  • rééquilibrer l’engagement territorial de l’Etat en faveur des zones rurales et des petites villes.

FacilitER le développement de l’offre de logements

Proposition n°1

Libérer la constructibilité du foncier en inversant la philosophie des plans locaux d’urbanisme (PLU), soit déclarer libre d’affectation (donc constructible) par défaut :

  • les terrains dans les aires urbaines au sens INSEE où il est le plus difficile de se loger ;
  • tout terrain contigüe en dehors des aires urbaines (villages, petites villes, hameaux, etc.), sous réserve d’une distance minimale et des capacités de raccordement (eau, électricité, etc.).

Tous les autres espaces resteront non constructibles par défaut, ce qui inclut le maintien de la loi littorale et les sites dits remarquables.

Quant au style des constructions, à l’esthétique, la définition des règles sera confiée aux habitants (comités locaux, comités de quartier), ce qui limitera les risques de dérives de la part des constructeurs et des élus locaux.

Proposition n°2

Mettre en place le principe de subsidiarité dans le droit de l’urbanisme :

  • l’Etat définit le cadre général (droit de propriété et règles de compensation en cas de non-constructibilité) tout en mettant à disposition ses données (« Open data ») ;
  • l’aire urbaine au sens INSEE sera chargée de la cohérence d’ensemble des projets d’aménagement urbain, notamment vis-à-vis des infrastructures publiques en place ou à venir ;
  • comme mentionné supra, le niveau local (comités locaux ou de quartier en forme de co-propriétés foncières) définira les règles architecturales (hauteur, style des bâtiments, etc.).

Proposition n°3

Compenser les restrictions à la constructibilité du foncier.

Si la constructibilité du terrain doit être limitée pour des raisons diverses (notamment d’intérêt général) en dehors des cas évoqués supra, le propriétaire devra être indemnisé. L’indemnisation prendra la forme d’une remise sur la fiscalité locale ou du versement d’un loyer compensant la perte de jouissance totale ou partielle du droit de propriété. Cette obligation de compensation financière créera une incitation à réduire les territoires protégés au strict nécessaire. Par ailleurs, les coûts de viabilisation des terrains ne seront plus supportés par la collectivité, ce qui incitera à privilégier la construction par contiguïté susmentionnée, soit une logique de tache d’huile plutôt que de « mitage » du territoire préjudiciable à l’environnement, notamment la biodiversité.

Refonder les relations entre les locataires et les propriétaires

Proposition n°4

Rééquilibrer les droits et les devoirs entre locataires et bailleurs en interdisant à ces derniers de demander autre chose aux candidats qu’une pièce d’identité et deux mois de caution au maximum. En contrepartie, l’équivalent de deux loyers impayés au cours du bail autorisera automatiquement le bailleur à déclencher une expulsion, effective sous deux mois.

Loger dignement les Français les plus en difficulté

Proposition n°5

Mettre en place une aide au logement unique, indépendante du statut de propriétaire ou de locataire, assise sur la zone de résidence, les revenus du ménage ainsi que sur la taille de la famille en lieu et place de toutes les aides actuelles (APL, ALF et ALS). Outre sa simplicité, cette aide facilitera l’accès à la propriété des ménages les plus modestes.

Proposition n°6

Transformer tous les offices publics de l’habitat (OPH), dont la gestion génère de fréquents scandales, en entreprises sociales pour l’habitat (ESH) gérées par les partenaires sociaux. En cas de cession d’une partie de leur patrimoine, ces dernières devront accorder la priorité à leurs locataires dans des conditions favorables.

Proposition n°7

Développer les centres d’hébergement d’urgence tout en resserrant le contrôle des pouvoirs publics sur les associations gestionnaires, la France devant offrir à ses citoyens en difficulté un toit. L’engorgement actuel sera résorbé d’un part par le développement du parc existant et, d’autre part, par une lutte active contre l’immigration illégale.

Mieux répartir l’habitat sur le territoire

Proposition n°8

Afin de désengorger les zones urbaines en répartissant mieux l’activité économique sur le territoire, poursuivre, simplifier et amplifier les dispositifs en vigueur comme les zones de revitalisation rurale (ZRR).

Proposition n°9

Corolaire du point précédent, accélérer la mise en œuvre du plan France Très Haut Débit et faciliter le maintien des principaux services publics en s’appuyant au maximum sur les synergies public-privé à l’image des épiceries multiservices.

Proposition n°10

Rééquilibrer la politique de l’Etat entre les zones urbaines et rurales en réorientant une partie des budgets de la politique de la ville.

Simplifier la fiscalité pour plus d’équité et d’efficacité

Proposition n°11

Simplifier la fiscalité de l’immobilier pour l’aligner sur le droit commun :

  • supprimer les niches fiscales et imposer de manière forfaitaire les revenus de l’immobilier à l’image de la « flat tax » de 30% ;
  • alléger les prélèvements sur les plus-values immobilières (cf. volet économie) ;
  • supprimer l’IFI, contresens fiscal (faible rendement car coût de la collecte élevé du fait de nombreuses contestations de l’évaluation des biens), économique (dissuade l’investissement dans l’immobilier) et social (un trader locataire à Paris ne sera pas imposé contrairement à un agriculteur au terrain bien situé ou à des retraités à faible pension propriétaires d’un appartement parisien qui aura pris mécaniquement de la valeur) ;
  • supprimer l’avantage fiscal dont bénéficient les sociétés d’investissement immobilier cotées (SIIC), mais les rendre à nouveau éligibles au plan d’épargne en actions (PEA).

Proposition n°12

Remplacer la taxe foncière et la taxe d’habitation (toujours en vigueur pour les résidences secondaires) par un prélèvement unique assis, d’une part, sur le revenu des ménages ou le résultat de l’entreprise et, d’autre part, la valeur réelle du bien selon la base notariale.