La Défense de notre liberté est le premier devoir de l’Etat
La chute de l’Union soviétique et du bloc de l’Est à la fin des années 80 nous avait fait basculer dans une nouvelle ère, assez éphémère, de « la fin de l’Histoire », soit le triomphe planétaire du libéralisme politique comme économique. Les gouvernements occidentaux ont alors réduit drastiquement les moyens de leurs forces armées qui se sont adaptées à des missions d’interposition, de rétablissement ou de maintien de la paix sous couvert des Nations-unis ou de l’Union européenne (UE) dans le cadre de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC).
L’Afghanistan fut un réveil brutal. Pour la première fois depuis la guerre d’Algérie, les armées françaises étaient engagées dans la durée dans un conflit ouvert où toutes les unités ou presque ont été projetées. Ce fut la redécouverte de la guerre dans le cadre d’un conflit de contre-guérilla dit « asymétrique ».
Aujourd’hui, la mondialisation politique et économique « heureuse » des années 90 laisse la place au retour des états-puissance et à un néo-colbertisme en forme de souverainisme économique recevant l’appui d’une majorité des populations pour des motifs socio-écologiques (consommer écologiquement et socialement responsable) ou plus traditionnels de patriotisme économique. A cela s’ajoute une contestation du modèle occidental et de ses valeurs dans plusieurs aires géographiques à travers, notamment mais pas uniquement, l’islamisme. Corolaire de cette réaffirmation des puissances, les ventes d’armes sont en hausse constante depuis 2003 pour atteindre près de 549 Md€ en 2022 (ventes d’armes et de services militaires des 100 plus grandes entreprises d’armement dans le monde).
Parmi les puissances majeures, la Chine est en pleine renaissance après avoir été la première puissance mondiale jusqu’aux prémices de la révolution industrielle au XVIIIe siècle. Elle cherche à sécuriser ses approvisionnements terrestres (nouvelle route de la soie) et maritimes (stratégie du collier de perles) afin de pérenniser sa croissance économique, gage de sa stabilité politique. Elle veut également sécuriser et contrôler ses abords en commençant par la mer de Chine, ce qui génère des tensions avec ses voisins comme les Philippines, le Vietnam ou Taïwan dont Pékin conteste la souveraineté.
Les Etats-Unis restent l’acteur principal en matière militaire et donc incontournables en dépit de leurs interventions peu concluantes en Afghanistan et en Irak. Leur légitimité s’est érodée du fait de ces interventions et de leur sortie de certains traités de maîtrise des armements, même si ces sorties ont été, au moins partiellement, induites par le comportement de la Russie et de la Chine.
La Russie affiche plus que jamais une attitude belliqueuse afin de retrouver une souveraineté ou au moins une influence prépondérante sur ce qu’elle considère comme son “étranger proche”, soit peu ou prou les limites de l’ancienne Union soviétique héritière de l’Empire tsariste sur un plan territorial. Pour autant, au-delà des apparences mises à nu par le conflit ukrainien, la Russie ne dépensait avant le conflit pas plus pour ses armées que la France avec un territoire à défendre beaucoup plus étendu. La Russie reste encore un colosse aux pieds d’argile comme il y a plus d’un siècle, mais avec un siège au Conseil de sécurité et des milliers de têtes nucléaires.
D’autres acteurs s’affirment également sur le plan militaire afin d’assouvir des velléités expansionnistes. C’est le cas de la Turquie qui conteste le tracé des frontières avec la Grèce défini lors du traité de Lausanne en 1923 tout en soutenant des mouvements en Syrie, en Libye ou récemment l’Azerbaïdjan dans sa guerre contre l’Arménie au Haut-Karabakh. Là aussi, un passé idéalisé, celui de l’Empire Ottoman, motive des visées impérialistes de long terme avec la date emblématique de 2053, 600e anniversaire de la prise de Constantinople sur les Byzantins.
Dans ce contexte pour le moins incertain, la France doit plus que jamais se protéger. Si elle est le pays d’Europe qui a le moins baissé son effort de défense depuis 30 ans, ses armées sont incapables aujourd’hui de mener dans la durée un conflit de haute intensité. Ce sont des armées expéditionnaires comme sous le Second Empire, des contingents assez limités aguerris pour des opérations lointaines, mais manquant « d’épaisseur » pour supporter un conflit majeur prolongé. Le problème est double : des effectifs comme des équipements trop peu nombreux et un manque d’entraînement, nos armées étant souvent suremployées et sous-entraînées, phénomène accentué par l’opération Sentinelle à l’efficacité discutable.
Par conséquent, notre projet Défense s’articule autour de cinq axes :
- conserver la maîtrise totale d’un arsenal nucléaire considéré comme suffisant pour jouer pleinement son rôle de dissuasion ;
- poursuivre la construction d’une industrie européenne de la défense pour rivaliser avec les industries américaines, chinoises et russes tout en confiant sa direction aux nations qui consentent les efforts budgétaires les plus importants ;
- mettre en place une alliance européenne contre le totalitarisme islamique ;
- assurer l’effectivité de notre souveraineté sur notre zone économique exclusive (ZEE) ;
- rehausser la condition militaire et la place du personnel civil au sein du ministère de la défense.
Consentir un effort financier conséquent en faveur de notre outil de défense
Proposition n°1
Augmenter l’effort de défense pour le porter le plus rapidement possible à 3% du PIB, soit 80Md€ contre 50Md€ en 2022 (pensions incluses), afin de rattraper des décennies de sous-investissement. Cela est largement atteignable car :
- cet effort est relatif, l’ensemble des dépenses publiques représentant 1500Md€ ;
- la France bénéficiant d’une base industrielle et technologique de défense (BITD) très performante et non délocalisée, 1€ investi rapporte entre 1,3€ et 1,9€ à moyen/long terme au pays selon les économistes experts du secteur.
Proposition n°2
Rendre les lois de programmation militaire contraignantes pour garantir que celles-ci soient respectées dans la durée.
Raffermir la cohérence globale de nos forces
Proposition n°3
En matière logistique, mettre fin au principe des flux tendus pour revenir à une logique de stocks avec triplement d’ici à 2030 des réserves de munitions et de pièces de rechanges afin de retrouver la capacité de mener des combats de haute intensité dans la durée.
Proposition n°4
Accroître très fortement les moyens du maintien en condition opérationnelle (MCO) afin de garantir en permanence une disponibilité des matériels de plus de 80%, préalable indispensable pour faire face à toute « surprise stratégique » avec un court préavis.
Proposition n°5
Garantir des forces armées « complètes », sans « trous capacitaires », ce qui nécessite de conserver et développer des moyens spécifiques et les compétences liées : franchissement, surveillance du champ de bataille, artillerie longue portée, défense antiaérienne, missiles hypervéloces, munitions intelligentes, guerre électronique, cyberdéfense, drones de combat, de surveillance, de reconnaissance et de renseignement, etc.
Proposition n°6
Renforcer les investissements dans la lutte anti-drones (laser).
Proposition n°7
Equiper le « soldat du futur » en augmentant les capacités individuelles du combattant, dans trois domaines prioritaires : exosquelette, pharmacopée, connectivité. Ces programmes resteront encadrés par des règles éthiques strictes.
Retrouver notre vocation de puissance maritime
Proposition n°8
Construire deux futurs groupes aéronavals pour remplacer le Charles de Gaulle.
Proposition n°9
Doubler le volume des patrouilleurs en le portant à 40 (contre 17 en 2021) afin d’assurer la surveillance comme la sécurité de notre zone économique exclusive (ZEE).
Proposition n°10
Commander au moins 10 frégates de défense et d’intervention supplémentaires pour renforcer la Marine nationale qui compte en 2021 15 frégates dites « de premier rang ».
Proposition n°11
Mettre en service 3 sous-marins nucléaires d’attaque supplémentaires (5 SNA sont en dotation dans la Marine nationale en 2021).
Proposition n°12
Concevoir des navires porte-drones et des drones sous-marins.
Préparer notre armée de Terre à un conflit de haute intensité
Proposition n°13
Augmenter progressivement les effectifs de la Force opérationnelle terrestre (FOT) pour les porter à 100 000 hommes à horizon 2030 contre 77 000 aujourd’hui.
Proposition n°14
Augmenter parallèlement les effectifs des réserves.
Proposition n°15
Accélérer la mise en œuvre du programme Scorpion (numérisation du champ de bataille).
Proposition n°16
Augmenter le nombre d’hélicoptères de combat et de transport en service dans l’aviation légère de l’armée de Terre.
Proposition n°17
Augmenter la puissance de feu de notre artillerie, notre armée de Terre ne disposant en 2021 que de 119 pièces de 155mm de tous types et de 13 lance-roquettes unitaires (LRU).
Proposition n°18
Remettre en service les capacités de production du char Leclerc tout en lançant un programme national de char de combat du futur en cas d’échec du programme franco-allemand MGCS.
Conserver des capacités de premier plan dans les domaines aérien et spatial
Proposition n°19
Augmenter les capacités de l’armée de l’Air et de l’Espace en matière de chasse-bombardement, de transport tactique et de guerre électronique.
Proposition n°20
Renforcer nos capacités de défense anti-aérienne.
Proposition n°21
A l’instar du char de combat du futur, lancer un programme national pour un nouveau système de combat aérien pour remplacer le Rafale dans le cas où il nous faudrait quitter le programme européen, essentiellement franco-allemand, SCAF.
Proposition n°22
Conserver des capacités d’appréciation de situation (renseignement) autonomes à l’échelle nationale afin d’engager nos forces ou non en pleine connaissance de cause, à l’image de la crise irakienne en 2003.
Proposition n°23
Nous doter de capacités spatiales offensives dans une logique de dissuasion dans le respect des traités encadrant la militarisation de l’espace.
Le nouveau champ de bataille du cyberespace
Proposition n°24
Compléter les réformes effectuées en matière de gouvernance (Commandement Cyber, ANSSI, etc.) par un renforcement de nos capacités industrielles en matière de cyberdéfense et de cybersécurité (80% des outils de protection utilisés par les entreprises françaises sont d’origine américaine ou israélienne).
Proposition n°25
Améliorer la résilience de la société française en cas de « Pearl-Harbor informatique » par un effort massif d’information, de formation et des capacités à travailler en mode dégradé (plans de continuité et de de rétablissement informatiques) des entreprises, administrations et particuliers.
Proposition n°26
Sur ce nouvel espace de bataille qu’est le cyberespace, élaborer une stratégie de dissuasion à l’image de celle élaborée par le général Gallois en son temps en matière nucléaire.
Proposition n°27
Augmenter nos capacités par le recrutement de réservistes supplémentaires afin de disposer de « corsaires » sur ce nouveau champ de bataille. Les compétences évoluant très vite et étant tirées par le secteur civil, les réservistes sont des compléments indispensables pour faire face à une agression majeure.
Conserver la pleine maîtrise de la dissuasion nucléaire
Proposition n°28
Maintenir la dissuasion nucléaire, ultime recours de notre sécurité nationale, à la pointe de la technologie sans dépendre d’un tiers pour le moindre composant ou sous-système.
Bâtir une base industrielle et technologique de défense (BITD) européenne avec une gouvernance en cohérence avec les efforts militaires consentis par les différents partenaires
Proposition n°29
Poursuivre la création d’une base industrielle commune de défense car l’intensité capitalistique du secteur est telle qu’il faut amortir les investissements colossaux par un marché intérieur très important.
Proposition n°30
Imposer des clauses de préférence européenne dans les politiques d’achat d’équipements militaires des partenaires comme condition indispensable à la participation au capital des groupes européens de défense.
Améliorer la condition militaire et mieux intégrer les civils de la Défense
Proposition n°31
Améliorer le casernement et l’aide à la mobilité du conjoint.
Proposition n°32
Mieux intégrer et valoriser les civils du ministère des armées.