
Le haut fonctionnaire Patrice Huiban propose de supprimer les 2.256 aides publiques qui profitent principalement aux grandes entreprises. Le système actuel est trop complexe et illisible pour permettre aux TPE, PME et ETI de monter des dossiers éligibles.
La situation budgétaire du pays devient de plus en plus préoccupante, notre déficit public ayant atteint près de 170 milliards d’euros en 2024 (5,8 % du PIB), le record de l’Union européenne avec la Grèce et l’Italie. À côté des économies budgétaires indispensables, il faut relocaliser la création de richesses en France en supprimant paradoxalement les 2.256 aides publiques aux entreprises. Si des économies dans les dépenses publiques apparaissent indispensables, il faut aussi songer parallèlement à faire gonfler notre PIB, soit « faire grossir le gâteau avant de partager les parts ».
Et là, une piste est rarement abordée, celle de la suppression intégrale des 2.256 aides publiques aux entreprises, soit, suivant les sources (Inspection générale des finances, Bercy, universitaires), entre 100 et 150 milliards d’euros à remettre dans notre tissu productif par une baisse parallèle et massive des taux des impôts, taxes et cotisations sociales qui freinent son essor. Selon un rapport de 2022 de l’Institut de recherches
économiques et sociales (Ires), elles seraient passées de 30 milliards d’euros environ dans les années 1990 à plus de 100 milliards par an dès 2008, puis 157 milliards d’euros en 2019, pour l’essentiel à la main de l’Etat (les collectivités locales n’en versant que 7 à 8 milliards par an).
Regain de compétitivité et économies budgétaires
Plutôt que de baisser les taux, on a « mité » les assiettes des prélèvements au gré des intérêts particuliers et des lobbies, générant complexité, frais administratifs et myopie dans la perception par les tiers et les citoyens de la réalité de l’effort demandé à nos entreprises.
Supprimer l’intégralité de ces aides engendrerait un puissant choc de simplification et donc de compétitivité pour nos entreprises, le plus puissant depuis 1958, avec des économies budgétaires à la clé pour l’Etat qui y consacre plusieurs milliards d’euros en frais de gestion. Parallèlement, cela encouragerait l’entrepreneuriat par des calculs d’opportunité simplifiés et rendrait notre pays beaucoup plus attractif pour les investisseurs étrangers, les taux officiels des prélèvements s’alignant sur les taux réels.
Un accompagnement complexe et obscur
Ce système est aujourd’hui devenu totalement illisible par le foisonnement des dispositifs et des guichets. Nous avons ainsi des aides pour la création et la reprise d’entreprises, des aides réservées à des entreprises dites « innovantes », des aides géographiques, des aides en cours d’activité (aides à l’embauche de certains publics, mécénat, etc.). Il y a même près de 200 aides pour aider les entreprises à se numériser !
Cette complexité est accentuée par la multiplicité des guichets : le répertoire national des aides aux entreprises piloté par la chambre de métiers et de l’artisanat (CMA), le site les-aides.fr du réseau des chambres de commerce et d’industrie (CCI), le site entreprendre.service-public.fr ainsi que Bpifrance.
Un système qui profite davantage aux grandes entreprises
Cette multiplication des aides et des guichets rend le système peu mobilisable par les TPE, PME et même les entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui n’ont pas les moyens, le temps et les compétences pour veiller ces dispositifs et monter des dossiers éligibles, alors même qu’elles emploient 70 % des salariés. Les grandes entreprises – plus de 5.000 salariés – ont en revanche les capacités en ingénierie administrative et juridique pour bénéficier d’un maximum d’aides, et ce, en sus de leur capacité à alléger l’excès de prélèvements obligatoires en France via leurs filiales à l’étranger.
Il y a près de 200 aides pour aider les entreprises à se numériser !
La dépense fiscale liée au mécénat est un bon exemple : 60 % du milliard d’euros en 2017 ont bénéficié aux grandes entreprises selon le rapport de 2018 de la Cour des comptes. Par ailleurs et toujours selon ce rapport, seulement 50 % des employeurs déclareraient totalement ou partiellement ces dépenses, montrant là le peu d’utilité de ce dispositif, la plupart d’entre eux soutenant des activités philanthropiques dans le cadre de la responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE).
L’Etat doit agir en complémentarité
Supprimer ces dispositifs ne signifie en rien interdire à la puissance publique toute intervention, au contraire. Elle doit agir en complémentarité et uniquement quand le secteur privé ne sait pas faire, ne doit pas faire ou ne peut pas faire. Il a ainsi plusieurs leviers à sa disposition : la recherche fondamentale, la commande publique, les aides ponctuelles aux consommateurs (les fameux « chèques ») ou encore des aides exceptionnelles limitées dans le temps en cas de crise économique majeure sectorielle ou nationale, de catastrophe naturelle, etc.
Cette simplification contribuerait au développement d’un Mittelstand à la française, soit un tissu de petites et moyennes entreprises qui fait le succès des économies les plus dynamiques en Europe. La France a ainsi autant de grandes entreprises que l’Allemagne, mais trois fois moins d’ETI, et deux fois moins que l’Italie. Une mesure de ce type rééquilibrerait de facto les règles de la concurrence avec nos voisins européens, absorbant plus de 50 % de nos exportations. Notre pays pourrait redevenir la nation la plus puissante et prospère d’Europe, puis viser ensuite la 3e place mondiale, le rang naturel d’une France à son plein potentiel.
Patrice Huiban est haut fonctionnaire et président du mouvement Nouvel essor français.
Lien vers l’article sur le site du journal : « Supprimons les aides publiques aux entreprises » | Les Echos.